Présentation du texte : L'esclavage colonial c'est la santé, les observations médicales de Nicolas-Louis Bourgeois à Saint-Domingue (1788)

Nicolas-Louis Bourgeois (1710-1776), est un poète et historien français. Il est avocat à Poitiers puis à la Rochelle. Il part ensuite à Saint Domingue où il est secrétaire de la Société d'agriculture du Cap français. Il séjourne une trentaine d'année dans les colonies américaines. Ses écrits seront publiés post-mortem sous le titre: Voyages intéressants dans différentes colonies françaises, espagnoles, anglaises, etc. : contenant des observations importantes relatives à ces contrées et Mémoire sur les maladies les plus communes à Saint-Domingue, leurs remèdes, le moyen de les éviter ou de s'en garantir moralement et physiquement, en 1788.

Nicolas-Louis Bourgeois considère l’esclavage comme un rouage essentiel du système d’exploitation colonial des îles françaises. En bon administrateur colonial, face à un problème comme le refus de travailler des esclaves, il ne remet pas en cause les conditions du travail servile mais recherche une cause (la fainéantise préjugée des africains) et propose des solutions (les forcer au travail).

Cet ouvrage est publié dans un contexte où les Etats-Unis, reconnus indépendants depuis le traité de Paris de 1738, prennent leur essor économique et où en Europe les mouvements abolitionnistes s’affirment sur le devant de la scène politique. En France, la société des Amis des Noirs est fondée en 1788 et dans les colonies antillaises la révolte gronde. Ce choix de publication ne laisse que peu de doute sur l'avis de l'éditeur, Jean-François Bastien, sur le bien fondé de la pratique de l'esclavage dans les colonies.

Le discours médical du XVIIIe siècle est axé sur les particularismes et les maladies spécifiques des personnes considérées comme inférieures : les femmes, les Africains et les non-européens de manière générale. Des mémoires et traités médicaux leur définissent des caractéristiques physiques et morales particulières, ainsi que des maladies et des maux propres.

Dans cet extrait, s’agissant des Africains déportés dans les colonies, Nicolas Bourgeois justifie les biens faits du travail servile sur ces populations par le biais d'un argumentaire médical. La fainéantise, l’indolence et la mollesse préjugées des esclaves Africains sont souvent présentées pour justifier leur nature servile et la nécessité des châtiments corporels. Dans ce travail, elle sont invoquées comme source de tous leurs maux. Car, s’ils sont d’un caractère fainéant, leur nature physique énergique nécessite un travail quotidien intense pour qu’ils ne tombent pas malade. Cette dualité nécessitant donc le contrôle sévère du maître. L’auteur justifie donc l’esclavage des Africains par la valeur prophylactique qu'il revet à travers le travail servile.

Il est impossible toutefois d'ignorer, l'auteur s'en garde bien, que les Africains déportés et les esclaves créoles possèdent un savoir médical bien plus adapté aux conditions de vie dans les climats des îles caribéennes. Ce fait est souvent observé par les colons et tout comme Nicolas Bourgeois, ils se plaignent de ne pouvoir accéder à ce savoir. Ce refus est facilement interprétable comme un acte de résistance permettant un contrôle des esclaves sur eux-mêmes.

Valeur prophylactique : désigne un procédé ou un processus ayant pour objectif de prévenir l’apparition, la propagation ou l’aggravation d’une maladie.