Recueil du témoignage d'un ancien esclave à Baltimore par Frederika Bremer (1854)

 « Mame, dit le vieillard avec solennité en se redressant dans son lit, vos parents, mes maîtres, ont toujours été bons pour moi et dans leur maison j’ai ignoré la misère. Homme libre, et surtout dans ma vieillesse, j’ai eu beaucoup de mal. J’ai souffert le froid et la faim. J’ai travaillé par la pluie, la neige, l’ouragan ; et cependant, Mame, j’ai tout enduré avec courage parce que j’étais libre, et endurais volontiers de nouveau uniquement pour conserver ma liberté, être mon maître, car la liberté a été mon plus précieux trésor ! » Ceci est un témoignage de haute importance dans la lutte contre l’esclavage. Mais on pourrait en produire des contraires. (…) On comprend facilement que des natures paresseuses et dépendantes doivent préférer les « marmites pleines de viande et l’esclavage de l’Egypte » à la liberté, au travail et peu de pain. Des serviteurs, qui ont eu de bons maîtres dans le Sud, qui, étant rendus à la liberté, se trouvent jetés au milieu de personnes indifférentes et souvent sans bienveillance, dans un climat froid, doivent aspirer à retourner vers leurs anciennes et chaudes demeures, vers des cœurs et un soleil chauds. 

 

BREMER (Frederika), La vie de famille dans le Nouveau Monde, lettres écrites pendant un séjour de deux années dans l'Amérique du Sud et à Cuba, tome 2, traduit du suédois par Mlle R. Du Puget, Paris, Association pour la propagation et la publication des bons livres, 1854, p.120.

Texte originale [https://archive.org/details/8SCSUP90561-2-NOR]

Source : Bibliothèque Sainte-Geneviève, Ms. 8SCSUP90561-2-NOR