Les nouvelles frontières du soi et de la société dans le monde atlantique français à l’époque moderne

Les nouvelles frontières du soi et de la société dans le monde atlantique français à l’époque moderne

18-19 mai 2017

Maison des sciences de l’homme « Ange Guépin » (Nantes)

 

Colloque organisé par Daniella Kostroun (Indiana University, Purdue University-Indianapolis/IEA Nantes) et Yann Lignereux (Université de Nantes)

Avec le soutien du Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique, du Labex « Ecrire une Histoire Nouvelle de l’Europe », du programme « STAtuts, « RAces » et COuleurs dans l’Atlantique de l’Antiquité à nos jours » et de l’Institut d’Etudes Avancées de Nantes.

 

Les systèmes politiques, sociaux et religieux de la France ont été, durant l’Ancien Régime, pensés et édifiés sur la base d’idéologies, classiques et traditionnelles, de hiérarchie et d’ordre comme elles se sont fondées sur un idéal de stabilité et de reproduction du semblable pour conjurer la diversité et la contingence de la succession. Comment ces systèmes ont-ils alors été affectés, perturbés et possiblement contestés par l’essor du mouvement des individus et du commerce à travers l’océan atlantique aux XVIe-XVIIe siècles ? Quels sont les effets, sur l’individu et la société dans laquelle il vit, de cette nouvelle « désorientation » des institutions, des familles et des représentations personnelles ? Quels degrés de différenciation sont-ils dès lors introduits à travers l’expérience d’une altérité qui serait peut-être moins celle rencontrée dans la découverte de l’ailleurs que celle qui se découvre précisément dans le cœur et l’âme d’un chacun ?

Parce qu’elle se réalise au sein d’un monde au sens le plus exact du terme désorienté dans lequel les certitudes et les traditions sont assaillies, blessées et peut-être renversées, n’épargnant pas même la nature ou le sens de la relation des hommes à la divinité ni l’essence politique de l’humanité ou encore sa vocation à faire société, parce que donc elle ne peut être pensée indifférente ou étrangère à ce que Jean Rohou a pu appeler la « révolution de la condition humaine » du XVIIe siècle, l’entreprise coloniale atlantique ne saurait jamais être seulement qu’une épreuve de la distance. Elle constitue plus essentiellement une épreuve de la distanciation qui, à travers l’étendue qu’affrontent les hommes et les femmes engagés dans l’aventure atlantique, creuse sourdement ou avec une stupéfiante rapidité, dans les consciences individuelles et dans les imaginaires collectifs, un abîme possiblement aussi profond et menaçant que celui qu’ils surmontent hardiment dans leurs navires partis des côtes de l’ancienne France pour gagner les ports de la nouvelle ou les havres de l’archipel antillais. Le franchissement de l’océan n’est-il pas, pour la craindre ou pour l’espérer, une possible promesse d’affranchissement ? Et ce Nouveau Monde l’expérience d’un renouvellement ? Poursuivons ; l’étranger ne serait-il pas propice à une forme d’étrangement à soi-même entendu ici dans ses variables entremêlées de l’intime, du personnel, du commun et du collectif ?

Ces questions du soi, de l’intime et de ce que l’on appellera l’ipséité, ont une histoire propre et une archéologie documentaire spécifique entrelacées aux récits de la découverte et de l’exploration des nouvelles terres américaines et des peuples qui les habitent. Les écrivains de l’époque en étaient préoccupés et l’on trouve, explicitement ou de manière moins directe, dans les documents administratifs, les correspondances personnelles, les traités religieux et les textes littéraires – entre autres genres et sans négliger ici toute autre forme d’expression artistique –, des discours sur les craintes et les espérances quant à l’effet de distanciation spécifique à l’œuvre dans cette traversée et dans cette inscription dans un monde nouveau.

Le but de ces journées est de révéler ces fragilités, de dresser l’inventaire de ce qui est désormais perçu comme sur la ligne de crête d’une différence à protéger, à construire ou à surévaluer ; du moins suffisamment inquiété et découvert comme vulnérable pour être désormais réfléchi à l’image de ce qu’a pu provoquer dans la construction des identités modernes en France la formidable décomposition des guerres civiles de la seconde moitié du XVIe siècle. En spécifiant comment les hommes et les femmes de l’ancienne France ont perçu les effets de cette distanciation en eux-mêmes, ce colloque aidera à comprendre peut-être différemment les politiques et les attitudes françaises envers ces projets atlantiques – de quelque nature qu’ils soient – comme celles engagées vis-à-vis des peuples qu’ils viennent à rencontrer dans ce nouvel espace devenu celui d’un quotidien fondamentalement autre. Il peut aussi nous amener à réfléchir sur ces tremblements infinis qui saisissent une culture lorsque, adhérant à une idéologie de la stabilité et du conformisme, elle se découvre différente dans une réalité devenue celle d’un espace global où ses légitimités se trouvent comme perpétuellement discutées et négociées.

 

Les propositions de communication (350 mots environ) accompagnées d’une brève présentation biographique sont à adresser, en français ou en anglais, aux deux organisateurs du colloque pour le 20 décembre prochain (dkostrou@iupui.edu ; yann.lignereux@wanadoo.fr).

 

Comité scientifique du colloque

Virginie Chaillou-Atrous (Labex « EHNE » / Université de Nantes)

Antonio de Almeida-Mendès (Université de Nantes / Staraco)

Daniella Kostroun (Indiana University, Purdue University-Indianapolis / IEA Nantes)

Françoise Le Jeune (Université de Nantes / CRHIA)

Yann Lignereux (Université de Nantes / CRHIA)

Annick Peters-Custot (Université de Nantes / CRHIA)