Après les traites. Penser les formes de dépendance et d’esclavage (Afrique – Amérique – Europe, XVIIIe - XXe siècles)

 

 

Après les traites.

Penser les formes de dépendance et d’esclavage

(Afrique – Amérique – Europe, XVIIIe-XXe siècles)

Institut d’Etudes Avancées de Nantes, 14 et 15 novembre 2017

 

Programme

 14h

Ouverture par Samuel JUBÉ, Directeur de l’Institut d’Études Avancées de Nantes
Krystel GUALDÉ, Directrice scientifique du Château des ducs de Bretagne
Michel BERTRAND, Directeur de la Casa de Velázquez

Introduction
António DE ALMEIDA MENDES
Université de Nantes / Institut d’Études Avancées de Nantes

 

14 novembre
14h30-17h

Présidence, Samuel SANCHEZ, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Myriam COTTIAS, CNRS-CIRESC
L’hermaphrodisme politique : expériences de dépendance et conflits de légitimité chez les « patronés » et « libres de fait » des Antilles françaises au XIXe siècle
Alexander KEESE, Université de Genève
Travail obligatoire - mais sans contrainte ?  L’invention du travail communal comme instrument colonial et élément idéologique des sociétés postcoloniales au Ghana et en Afrique subsaharienne (1918-2017)
Romain TIQUET, Université de Genève
Le travail forcé en Afrique de l’Ouest : un objet de recherche révolu ?

9h30-12h
Présidence, Isabelle SURUN, Université de Lille 3

Nigel PENN, University of Cape Town
The Slave Trade – Its Abolition and Aftermath at the Cape of Good Hope, 1807-1838
Alessandro STANZIANI, École des hautes études en sciences sociales
The Welfare state and the colonial world, 1880-1914. The casa of the French Equatorial Africa
Dominique VIDAL, Université Paris Diderot – Paris 7
Que signifie qualifier d’esclaves les immigrés boliviens travaillant dans le secteur de la confection à São Paulo ?

14h-17h
Présidence, Céline LABRUNE-BADIANE, Université Paris Diderot – Paris 7 / Institut d’Études Avancées de Nantes
Jean-Pierre Le CROM, CNRS / Université de Nantes
Des engagés chinois sur le chemin de fer Congo-Océan (1929-1933). Retour sur un échec cuisant
Henrique ESPADA LIMA, Universidade Federal de Santa Catarina
A History of a Different Future: The end of slavery and slaves expectations of rights in Brazil (1870s and 1880s)
Jean HEBRARD, École des hautes études en sciences sociales/Johns Hopkins University
Esclavage et dépendance dans les sociétés esclavagistes en transition : le cas de Saint-Domingue à l’époque de la Révolution haïtienne
Virginie CHAILLOU, Université de Nantes
Statut juridique et social des engagés africains dans la société réunionnaise post-abolitionniste

Conclusions :

Céline FLORY, CNRS, CERMA
Violaine TISSEAU, CNRS, IMAF

 

 

Une ambiguïté fondamentale affecte les débats sur l’esclavage et le travail après le milieu du XVIIIe siècle. Les abolitions successives de la traite des Africains, les interdictions de l’esclavage et la poursuite des migrations transocéaniques dans l’Atlantique et dans l’océan Indien se sont accompagnées de la formation de nouvelles catégories de travailleurs « libres », mais aussi de l’affirmation de nouvelles formes de dépendance et de travail « non libre » entre le XVIIIe et le XXe siècle. Ces réalités s’inscrivent-elles dans une histoire longue du rapport colonial de l’Europe à ses colonies, ou assiste-t-on à l’émergence de nouvelles formes d’esclavage et de dépendance ? Ce colloque cherchera à interroger les formes de dépendance, d’esclavage et de travail « non libre » qui se déploient, voire resurgissent, en Afrique, aux Amériques et en Europe, dans des sociétés qui ont connu et pratiqué l’esclavage sur le temps long. Le recours à l’esclavage a permis jusqu’à une période tardive de continuer à pourvoir les économies coloniales et métropolitaines en main-d’œuvre comme d’assurer une forme de stabilité au sein de ces sociétés. Mais au-delà de la question des ruptures et des continuités historiques, il nous semble important d’inscrire l’histoire longue des transferts forcés d’hommes et de femmes entre les différents espaces du continent africain et d’Afrique vers l’Europe et les Amériques dans les nouvelles représentations et les nouveaux discours qui s’affirment après les abolitions des traites des Noirs. Des nouveaux discours qui concernent autant le rapport au travail et les représentations du travail, que le statut des « nouveaux » travailleurs (domestiques, serviteurs, apprentis, employés, engagés, libérés, etc.), ou encore la « race » en tant que construction biologique mais aussi, et davantage, en tant que construction sociale qui prédétermine les statuts individuels, les rapports sociaux, économiques et juridiques entre maîtres/patrons/engagistes et apprentis/employés/engagés… Il s’agit donc de réfléchir à des pratiques réelles d’esclavage, ou assimilables à l’esclavage, que ce soit sous l’angle économique, juridique ou social, tout en interrogeant le rapport individuel ou collectif au travail et les mutations que connaît le travail dans les économies post-abolitionnistes. Cinq grands questionnements seront privilégiés lors de ces deux journées:

 

  1. Le travail contraint/ le travail libre : si avec les interdictions de la traite et les abolitions de l’esclavage, le travail devient théoriquement libre, qu’en fut-il réellement ? à quelles professions, quels salaires peuvent prétendre et accéder les anciens esclaves, leurs descendants ou les nouveaux arrivants du continent africain ? comment se (re)créent et/ou s’entretiennent des liens de dépendance entre « employeurs » et « employés » ?
  2. Les formes juridiques qui accompagnèrent la suppression de la traite et de l’esclavage: de quels outils les sociétés / États usent-ils pour encadrer à la fois le travail et les travailleurs ? Quel fut l’impact des expériences africaines ou caribéennes dans la législation abolitionniste ? Comment les acteurs au plus près du terrain ont pu agir en faveur d’une évolution du droit du travail ? L’analyse des contrats de travail, de la mise en place de la législation sur le travail sera au cœur de cet axe.
  3. Les pratiques sociales et culturelles : au-delà de leur statut de travailleurs, quelles sont les marges de manœuvres des populations issues de l’esclavage? de quelles manières peuvent-elles s’insérer dans les sociétés ? Les mariages, les unions et les relations intimes (choix des conjoints, pratique de l’illégitimité ou non, formes des cérémonies) ou les pratiques culturelles seront analysés afin d’évaluer de quelle manière la « race » et le statut de « travailleur contraint » infléchissent les trajectoires.
  4. Les migrations de travail : les courants migratoires de travailleurs libres et non libres qui traversent l’Atlantique et l’océan Indien après 1761, date de la première abolition de la traite des Africains par le Portugal, s’inscrivent-ils dans la continuité des flux de la traite de captifs africains ? Les acteurs sont-ils les mêmes ? Les conditions faites aux migrants sont-elles comparables ?
  5. Les mutations des discours sur le travail après les abolitions : les discours n’ont pas été monolithiques et ne sont pas restés figés. Comment les mutations du travail et de ses représentations s’inscrivent-elles dans l’évolution des économies et des sociétés africaines, américaines et européennes ? Comment relier la valeur d’émancipation du travail et l’instrument d’asservissement qu’il demeure ?

 

Ces pistes ne sont pas exhaustives, nous considérerons avec le plus grand intérêt des propositions portant sur d’autres contextes géographiques, chronologiques et sur des aspects plus théoriques qui pourraient enrichir la réflexion transdisciplinaire.

 

Organisé à l’Institut d’Etudes Avancées de Nantes, et s’insérant dans un cycle d’activités scientifiques programmées dans le cadre des programmes de recherche STARACO (STAtuts, RAce et Couleurs dans l’Atlantique) et PRALT (PRAtiques de l’ALtérité), ce colloque se veut un hommage à la mémoire de Patrick Harries. Historien spécialiste du travail, de l’esclavage et des formes de dépendance en Afrique, Patrick Harries est brutalement décédé en 2016. Il travaillait depuis de nombreuses années sur les esclaves et descendants d’esclaves originaires du Mozambique au Cap et en parallèle sur la nature de la traite négrière dans l’océan Indien dont il était l’un des plus grands spécialistes.

 

COMITÉ SCIENTIFIQUE ET ORGANISATEUR

António de Almeida Mendes (Université de Nantes, STARACO, CIRESC, en résidence à l’IEA de Nantes)

Céline Flory (Mondes Américains-CERMA, CNRS, CNRS)

Aanor Le Mouël (Université de Nantes, STARACO)

Violaine Tisseau (IMAF, CNRS)

 

PARTENAIRES

PRALT (PRAtiques de l’ALTérité) : programme de recherche pluriannuel Casa de Velázquez (Madrid), Château des Ducs de Bretagne (Nantes), Institut d’Études Avancées (Nantes) et Université de Nantes.

STARACO (STAtuts, RAce et COuleurs dans l’Atlantique) : programme de recherche financé par la Région Pays de la Loire, Nantes (www.staraco.org)

Mondes Américains - CERMA : Centre de Recherches sur les Mondes Américains

IMAF : Institut des Mondes Africains

CIRESC : Centre International de Recherches sur les Esclavages

 

Programme et affiche :