Marquer la différence : races, religions et distinctions sociales

Les 5 et 6 juin 2014, au Château des ducs de Bretagne et à la Cité des Congrès de Nantes.

Présentation

Dans le cadre de deux projets de recherche « RELMIN: Le statut légal des minorités religieuses dans le monde euro-méditerranéen (5e-15e siècles) » (financé par le Conseil européen de la recherche) et « STARACO : STatuts, RAce et COuleurs dans l'Atlantique de l'Antiquité à nos jours » (financé par la région Pays de la Loire), nous organisons une journée d’étude sur le thème Marquer la différence : races, religions et distinctions sociales. Nous nous pencherons sur les pratiques de distinctions visuelles (vestimentaires, coupes de cheveux) etc. comme marqueurs entre groups définis par la loi.

Un premier atelier abordera le problème du corps comme marqueur de différence (social, ethnique, religieuse ou autre) : à quel point trouve-t-on que ces différences se lisent « naturellement » dans le corps, à quel point sont-elles inscrites artificiellement (par le tatouage, piercing, coupe de cheveux, ou vêtement) ?  Les deux autres ateliers examineront plus particulièrement la loi somptuaire, c.a.d. tout l’encadrement légal du port de vêtement pour marquer les différences religieuses et sociale.  L’atelier 2 aborde ces questions dans le monde méditerranéen médiéval et l’atelier 3 pour l’Europe et ses empires entre le XIIIe et le XVIIIe siècles.

Intervenants

Christophe Giudicelli (Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle)
Rebecca Earle (Université de Warwick)
Jérôme Wilgaux (Université de Nantes)
Antonio de Almeida Mendes (Université de Nantes)
Tomaso Perani (RELMIN)
Ahmed Oulddali (RELMIN)
Camilla Adang (Université de Tel-Aviv)
Michael Zoabi (Université de Tel-Aviv)
John Tolan (Université de Nantes, RELMIN)
Maria Filomena Lopes de Barros (Université d'Evora)
Yann Lignereux (Université de Nantes)

Comité d'organisation

John Tolan (Professeur, Université de Nantes)
Antonio de Almeida Mendes (Maître de conférences, Université de Nantes)
Clément Thibaud (Maître de conférences, Université de Nantes)
Nicolas Stefanni (Chargé d'études RELMIN, MSH Ange Guépin de Nantes)
Nicolas Terrien (Ingénieur d'études STARACO, Université de Nantes)

 

Programme

Jeudi 5 Juin 2014 - Atelier 1 - 14h30-17H30
Le corps de l’autre : physiognomonie et altérité

 

Président : Clément Thibaud (Université de Nantes)

  • Christophe Guidicelli (Université Rennes 2),Microphysique du pouvoir colonial : le façonnement des "Indiens amis" aux marges de l’Amérique espagnole (Tucumán/ Nouvelle Biscaye, XVIe-XVIIe s.)

Il s’agit de suivre les effets de l’incorporation des populations amérindiennes dans la sphère de souveraieneté espagnole dans deux régions de confins dans la première moitié du XVIIe siècle : le Tucumán colonial et la Nouvelle Biscaye. On s’attachera tout particulièrement aux manifestation microphysique de ces changements induits : l’apparence physique (vêtements, coupe de cheveux) et l’adoption d’un patron culturel correspondant aux exigences du diagramme colonial : la modification de l’habitat, du rythme de vie quotidienne et l’expansion de langues de communication coloniales.

  • Rebecca Earle (University of Warwick), Casta Paintings and the Colonial Body: Embodying Race in Spanish America

‘From a Spanish man and a black woman is born a mulata.’  Such captions, accompanying a painted image of a man, a woman, and their child, are the hallmarks of a Spanish American casta painting.  These remarkable eighteenth-century images representing the outcome of ‘racial mixing’ currently command both scholarly and commercial attention.  Their intimate depictions of domestic and reproductive space appear to open a window into the curtained world in the colonial Spanish American family, and for this reason have become increasingly central to discussion of the history of race in the Americas.  This article disassembles the apparently self-evident but misleading impressions conveyed by these paintings about the workings of race in Spain’s colonial world and offers a new reading of their meaning and appeal that emphasises their narrative, rather than taxonomic, power.

  • Jérome Wilgaux (Université de Nantes), L'altérité des corps en Grèce ancienne, de la diversité des vêtements à la couleur de peau : l'apport des sources physiognomoniques

La communication proposée, après avoir développé quelques remarques générales, d'une part sur la manière dont les distinctions sociales et statutaires peuvent, au sein du monde grec antique, se marquer dans les corps, les vêtements, les apparences, d'autre part sur la lecture religieuse des corps, présente un travail en cours consacré à la question de l'altérité des corps et plus particulièrement de la couleur de la peau. La double lecture, genrée et ethnique, des peaux « noires » est ainsi étudiée et permet de mettre en valeur la manière dont le corps entre en considération dans la construction des hiérarchies et des exclusions sociales et politiques.

  • Antonio de Almeida Mendes (Université de Nantes), Le corps marqué, le corps marqueur de l’altérité (empire portugais, XVIe s.)

Entre la fin du XVe et du XVIe siècle, les caravelles portugaises débarquèrent des milliers d’Africains en Europe du sud. L’inclusion des affranchis à la majorité libre imposa de nouvelles stratifications sociales, de nouveaux comportements et un regard neuf sur l’homme noir ou mulâtre. Les codes qui décrivaient l’homme de couleur sur la base de critères esthétiques et culturels –– la texture des cheveux, la couleur de peau, la forme du nez, la religion ou le vêtement –– furent de plus en plus associés à des critères moraux fixes et transmissibles à sa descendance. Au XVIe siècle, la mise en analogie entre le corps et des critères héréditaires marquait l’irruption d’un discours hiérarchisé de la couleur et du métissage. En Europe du sud et dans les Amériques ibériques, la « blancheur » s’imposera au fil des siècles comme le marqueur de la pureté dans l’échelle des couleurs et sera déterminante pour l’accès à une citoyenneté de plein droit. Les rapports de domination et la pression des codes des sociétés ibériques peuvent-ils être transposés aux espaces peuplés par les Portugais mais non colonisés ? Comment penser les allers-retours entre l’Afrique coloniale et l’Europe du sud ? La Guinée portugaise (la Côte « découverte » par les Portugais et comprise entre les États actuels du Sénégal et de la Sierra Leone) nous servira de cadre d’étude privilégié. Aux XVe et XVIe siècles la Guinée était devenue l’espoir de générations d’Européens. Les Portugais lançados –– littéralement les Portugais qui se fixaient illégalement en Afrique –– se recrutèrent parmi les laissés-pour-compte d’une société portugaise ségréguée, qui continuait à produire des masses de pauvres et d’exclus. Leur épopée raconte le rêve et les illusions de l’Eldorado africain.

Clément Thibaud, Introduction générale.
Christophe Guidicelli, "Normalisation vestimentaire des Indiens en Nouvelle-Espagne au XVIe siècle."
Rebecca Earle, "The Accoutrement of the Conquistador."
Discussion communication de Christophe Guidicelli et Rebecca Earle.
Jérôme Wilgaux, "Les signes du corps: physionomie et distinctions sociales et ethniques en Grêce antique."
Antonio de Almeida Mendes, "Le corps marqué, le corps marqueur de l'altérité (empire portugais-XVIe siècle)."
Discussion communications de Jérôme Wilgaux et Antonio Almeida Mendes.