Journée d' étude n°2: Statuts, « race » et couleurs dans le monde atlantique

Les 13 et 14 février 2014, à l'Université de Nantes.

Atelier 3 STARACO - Statuts, race et couleurs dans le monde atlantique

Présentation

La thématique des libres de couleur a fait l’objet d’une attention particulière de l’historiographie au cours de ces dernières années. Ce renouveau a concerné tous les espaces impériaux du monde atlantique ainsi que les nations indépendantes qui en procédèrent. De fait, la présence de Noirs libres est aussi ancienne que la traite négrière dans les espaces coloniaux de l’Amérique. Les historiens ont longtemps négligé ces populations pour se focaliser sur les esclaves. Aujourd’hui, de nombreuses études ont souligné l’importance politique des libres de couleur à l’âge des révolutions et des indépendances. La construction de ce statut se révèle également fondamental pour comprendre la construction de la ligne de couleur ainsi que son caractère labile au fil du temps. En ce sens, la traite négrière et l’esclavage n’expliquent pas seuls l’apparition des discriminations légales, sociales et politiques qui ont affectés les descendants d’Africains. Le statut des Noirs de condition libre fut un lieu stratégique où s’est définie la distance séparant les populations racialisées et blanches, en raison de la porosité entre ces deux espaces sociaux.

De fait, les libres de couleur se trouvent à l’intersection entre des logiques discriminatoires et libératoires. Après des siècles de minorisation juridique, l’ère des révolutions et des indépendances permit l’expansion exceptionnelle de la citoyenneté aux libres de couleur, aux Indiens puis aux anciens esclaves. A ce titre, l’effacement des incapacités juridiques et de l’indignité qui frappait les descendants d’Africains a représenté l’un des tests fondamentaux des processus révolutionnaires atlantiques dans la construction de société nouvelles, fondées sur les droits individuels. Pourtant, l’égalité civile effaçait rarement l’ensemble des incapacités juridiques anciennes, bien au contraire. Il conviendrait de mieux préciser le processus d’intégration au statut commun avec ses éventuels conflits en comparant les expériences des deux côtés de l’Atlantique et en signalant comment celles-ci s’articulent. Il est également fondamental de mieux comprendre les modalités de l’action des minorités pour accéder à la citoyenneté. Un autre problème, tout aussi complexe, est celui de l’exercice des droits une fois leur jouissance reconnue. Cette histoire est de longue durée, comme les combats pour les civil rights aux États-Unis le montrent, ou l’invention constitutionnelle dont a fait preuve l’Amérique latine au cours des deux dernières décennies pour permettre aux Indiens et aux Afrodescendants d’exercer leurs droits de citoyens au lieu de se contenter d’en avoir la jouissance, avec toutes les ambiguïtés et les contradictions que porte la création de catégories identitaires pour justifier de nouveaux droits.

Les chercheurs ont souvent traité le problème des permanences postcoloniales du stigmate sous l’angle économique (maintien des hiérarchies dans le domaine de la vie économique), ou culturelle (continuité du préjugé et du racisme), mais elle a été moins traité sur le plan juridique et politique, la plupart des auteurs présumant que les discriminations légales disparaissaient avec l’adoption du constitutionnalisme libéral. Il n’en est rien, et l’accès à la citoyenneté fut un long processus, tant sur le plan des normes que de leur mise en pratique. L’accès aux droits politiques pouvait certes être garanti à tous par la constitution, mais l’exercice de ces droits, en pratique, pouvait être limité ou interdit par des dispositifs réglementaires ou des législations locales comme dans le cas des États fédérés nord-américains. Un autre problème, encore largement inexploré, concerne la citoyenneté comme dignité : l’insertion des populations non européennes dans le cercle de la citoyenneté fut ainsi vécue, de façon heureuse ou traumatique selon la nature des acteurs, comme une promotion dans les hiérarchies de l’honneur. On peut se demander si cette révolution de l’égalisation statutaire, par assimilation des populations d’origine européenne et non-européenne au même statut, n’a pas produit d’effets en retour (on pense à la distinction entre citoyens actifs et passifs qui, dans l’espace atlantique multiethnique a reconduit la ligne de couleur entre blancs et non blancs). Quelles furent les dynamiques politiques suscitées par ces nouvelles discriminations politiques ou légales au cœur de systèmes libéraux et des régimes républicains ?

 

Programme

Codes raciaux et ordre sociopolitique : un tour d’horizon atlantique 

 

Aline Helg, "Les libres de couleur de l'Amérique espagnole entre pureté de sang et souillure de l'esclavage."
John Garrigus, "Affranchis and coloreds-Why Were Racial Codes Stricter in Eighteenth-Century Saint-Domingue than in Jamaica."
Gert Oostindie, "Status, race and colour in the Atlantic world-the Dutch case, colonial and post-colonial."
Alejandro Gomez, "La question des subalternes américain (XVIII-XIXe siècles)."
Discussion communications d'Aline Helg, John Garrigus, Gert Oostindie et Alejendro Gomez .

« Race », révolutions et liberté

 

Christopher Schmidt-Nowara, "Race and Revolution in the Hispanic Caribbean (1819-1834)."
Armelle Enders,"barrières de couleur et ordre social dans la construction du Brésil impérial (premier XIXe siècle)."
Discussion communication de Chritopher Shmidt et Armelle Enders.
Manuel Covo, "La participation des nouveaux libres de Saint-Domingues au marché atlantique (1793-1803)."
Romy Sanchez, "La couleur de l'exil: Deplacements forcés et déplacements volontaires des libres de couleurs à Cuba (1837-1878)."
Discussion communications de Manuel Covo et Romy Sanchez.

 

Les libres de couleur : catégorisation, statut, politisation

 

Frederica Morelli, "Le statut des libres de couleurs dans une région de frontière (Popayan Esmeraldas)(XVIII-XIXe siècles)."
Marixa Lasso, "Los libres de colores en Colombia y Panama en el siglo XIX."
Discussion communications de Frederica Morelli et Marixa Lasso.
Adriana Chira, "Between un vida vagabunda and Whitening: Strategies of Consolidating Freedom among People of Color in Cuba."
Irène Fattacciu, "Portraying Race: Visual Representation of Free People of Color in New Orleans and Havana (19th Century)."
Discussion communications d'Adriana Chira et Irène Fattacciu.

 

Hiérarchies sociales et colorisme

 

Dominique Rogers, "Femmes libres de couleurs de Saint-Domingue, actrices économiques et citoyennes."
Jeanne Moisand, "Les Espagnols pauvres à Cuba pendant la première guerre d'indépedance (1868-1878)."
Discussion communications de Dominiques Rogers et Jeanne Moisand.
Virginie Chaillou, "Les engagés africains dans la société réunionnaose post-abolitionniste: une servitude liée à la couleur."
Discussion communication de Virginie Chaillou.

Conclusion

 

Conclusion générale.