Le projet STARACO

         Le projet STARACO s’intéresse à l’histoire des hiérarchies de statuts, de couleurs et de ‘races’ dans l’espace atlantique, du moyen-âge à nos jours. Il s’agit d’un projet atlantique dans la mesure où les processus de racialisation s’affirment dans le contexte de la colonisation des Amériques et de l’Afrique par les Européens. La traite des esclaves africains, l’émergence de l’économie de plantation, et la formation de sociétés multiethniques, nées des conquêtes et des circulations transatlantiques, aux Amériques et dans certaines îles et villes africaines et européennes de l’époque moderne, furent les expériences clés qui conditionnèrent la racialisation des peuples non européens. Celle-ci se construisit à partir des dispositifs juridiques médiévaux visant à définir le statut des minorités non chrétiennes (juifs et musulmans). Elle projette son ombre sur notre temps, sous la forme du racisme et explique – pour une part – la difficulté que connaissent les nations de l’Europe atlantique à élaborer certains aspects de leur pluralisme ethnique (en relation, notamment, avec leur histoire coloniale). Ce projet n’est pas un éloge normatif du multiculturalisme. Il propose plus modestement une réflexion scientifique sur la construction des sociétés atlantiques, associant l’histoire, l’anthropologie, la géographie, la sociologie et l’économie, à travers l’émergence des statuts et hiérarchies raciales qui l’ont accompagnée. La recherche collective rompra avec les cloisonnements historiographiques nationaux traditionnels. Elle s’organisera autour de quatre grandes enquêtes transversales qui donneront lieu à des manifestations scientifiques (écoles d’été), de journées d’étude, d’ateliers pédagogiques et réunions de doctorants.

Contexte

     Le projet STARACO entend engager une réflexion historique sur la question des différences de statuts et de couleurs, sur la construction historique des « races » et des hiérarchies qui en ont découlé. La dynamique de mondialisation qu’a connue la France ces dernières années suscite des transformations profondes au sein de notre société. La globalisation financière, le phénomène des délocalisations, la crise de la construction européenne et l’émergence de superpuissances au Sud remettent en question les idées de diversité, de tolérance, de liberté et d’accueil de l’autre qui ont fondé le projet d’unité continentale aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale. La ville de Nantes et les Pays de la Loire ont été des acteurs centraux de cette histoire passée et présente : elles ont accueilli depuis toujours d’importantes communautés étrangères et ont, par leurs échanges maritimes, joué un rôle de premier plan dans la construction des sociétés atlantiques d’Europe, d’Afrique et des Amériques. Le thème de la construction des hiérarchies raciales dans l’expérience atlantique est ainsi une façon de repenser à la fois l’histoire des relations entre l’Europe et les peuples du « Sud » et l’émergence des préjugés de couleur ou de « race » dont les effets marquent, aujourd’hui encore, les sociétés européennes.

Objectifs scientifiques

       Depuis une dizaine d’années, les membres du consortium ont conduit collectivement et/ou individuellement des recherches et des enquêtes autour des questions de l’esclavage, de la couleur, de la « race », des minorités et des migrations dans l’espace atlantique, qui ont donné lieu à des colloques, à des rencontres, à des publications et à des projets de recherches. Le projet STARACO prétend structurer la réflexion à une échelle régionale en encourageant à la fois la recherche fondamentale, la mobilité des chercheurs, la formation des étudiants, la rencontre entre chercheurs, enseignants et acteurs de la société civile. Il s’agit d’engager le dialogue entre des chercheurs et des étudiants, de faire se confronter des expériences et des traditions historiographiques différentes. Chaque équipe régionale, nationale et internationale et chaque partenaire ont été choisis pour leur excellence et leur expertise dans le champ des études atlantiques sur les questions liées à la couleur et à la « race ». Les laboratoires partenaires ont pour la plupart déjà collaboré par le passé au sein de programmes de recherche, de rencontres, de séminaires, de colloques et de manifestations universitaires et grand public, ce qui représente un facteur de forte cohésion interne. Les chercheurs et les étudiants des laboratoires partenaires présenteront leurs recherches, animerons des ateliers et des activités scientifiques dans la région ; ils interviendront dans les enseignements du Master Recherche CRHIA et participeront à la diffusion des résultats du travail collectif auprès d'un large auditoire : société civile, associations, collectivités locales, enseignants, scolaires.

Avec ce projet, la recherche en sciences sociales entre en symbiose avec les politiques engagées ces dernières années par la ville de Nantes et la région des Pays de la Loire. Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage, les activités de l’Institut des Etudes Avancées (IEA), de la Maison des Sciences de l’Homme et la politique scientifique suivie par le Musée des ducs de Bretagne concrétisent aujourd’hui ces efforts. Le projet prétend également répondre aux attentes des associations et des acteurs de la vie politique. L’offre d’expertise qui résultera des débats et des rencontres entre les chercheurs et les collaborateurs intégrés au projet doit permettre de sensibiliser l’opinion et les pouvoirs publics sur la nécessité d’apporter des réponses historiques aux débats qui animent nos sociétés. Les questions mémorielles et patrimoniales d’un côté, la connaissance du passé d’une région et d’une nation de l’autre sont essentielles pour penser l’intégration et l’assimilation à un territoire des populations issues de la diversité ethnique ou religieuse. Les transformations rapides que connaissent les sociétés européennes imposent de penser les phénomènes d’interaction, de métissage et d’intégration à l’échelle régionale et internationale.